Avec l’année 2018 qui s’achève, j’ai commencé à ralentir et à faire le point sur mes apprentissages des derniers mois. L’intensité inégalée de mon année en termes d’expériences de vie me donne envie de vous écrire à propos de l’abondance. Voici ce que j’entends par une année intense : en moins de 6 mois, j’ai fait l’achat d’un triplex, vendu ma maison, relocalisé et agrandi mon studio de yoga (lire : coordonner un chantier de construction) et accueilli un deuxième petit ange dans ma famille. Ce sont des opportunités et des cadeaux de la vie exceptionnels. Bien que j’aie énormément de gratitude pour cette année de prospérité, j’avoue qu’à plusieurs moments, je ne le voyais plus sous cet angle. J’ai connu des phases de doute, de colère et de découragement. Je me suis parfois senti étouffé par l’abondance.

Curieusement, la plus grande richesse que je tire de cette année n’a rien à voir avec ma nouvelle maison, Origine Yoga ou la naissance de mon fils. Je découvre à peine que la véritable valeur reçue réside dans les moments plus sombres amenés par ce raz-de-marée de changements que j’ai vécu, à m’observer naviguer à travers le stress, la fatigue et la peur. Ce fût une année de grands apprentissages sur moi-même… et à voir la quantité de situations « challengeantes » auxquelles j’ai fait face, il semble que j’avais beaucoup de choses à apprendre!

À l’instant même, alors que je m’adonne à cet exercice de réflexion, je prends conscience que je suis devenu trop sérieux. Le gestionnaire a pris le dessus sur le bon vivant. Deux heures par jour, je me permets d’être joyeux, spontané et décontracté avec ma fille de 4 ans, un vrai clown! Mais le reste du temps, je réalise que je m’impose le rôle de l’entrepreneur sérieux, rigoureux et cérébral. Bien sûr, je demeure une personne ouverte, à l’écoute et sensible aux autres, mais je me rends compte qu’au travers de toutes mes tâches, un peu écrasé par mes responsabilités, je ne me permets que très peu de répit. Il y aurait bien un peu de temps libre, par-ci, par-là, mais je ressens une forte impulsion à utiliser chaque minute disponible pour faire et faire toujours plus.

J’ai toujours eu tendance à être motivé, pragmatique, organisé et perfectionniste. Heureusement, d’autres aptitudes me permettent le plus souvent de maintenir un bon équilibre. Avec l’intensité des derniers mois et la pression d’entrer dans des délais et autres paramètres tellement serrés, c’est comme si j’avais cru bon de me retrancher dans la version de moi la plus sérieuse. Honnêtement, je ne sais pas si un autre mode m’aurait permis d’accomplir autant en si peu de temps, mais je sais que c’est un mode survie duquel je peux – et dois – maintenant décrocher. Être toujours sur mes gardes, à la recherche de problèmes potentiels avant même qu’ils ne surviennent n’a plus son sens maintenant. En me braquant ainsi, je me bloque de l’imprévisibilité de la vie et de ce qu’elle peut m’apporter de plus beau. Au fond, je sais bien que ce sentiment d’urgence cache mon insécurité. Comme j’ai beaucoup reçu, il m’apparaît que j’ai beaucoup à perdre.

Reste que ma plus grande peur est de passer à côté de ma vie. Même si j’aimerais qu’elle coule comme un beau long fleuve tranquille, je sais pertinemment que ce ne seras pas le cas. J’appelle donc encore plus d’aventures et de défis qui me feront, oui souffrir, mais surtout grandir. Cela dit, si elles peuvent s’espacer un peu, je ne suis pas contre de laisser un peu d’abondance pour les autres! C’est donc plus léger que je reprends ma route, avec l’envie de rire, de faire confiance, d’être décontracté et de faire du yoga, du yoga et encore du yoga. Après tout, il y aura toujours une stratégie à raffiner, une brassée de lavage à faire ou un clou de travers à redresser. Quand bien même ils attendraient un peu… le monde ne s’arrêtera pas de tourner.

Chronique initialement parue dans le Journal le Courrier du 19 décembre 2018

par André-Claude Beaulac