Chaque jour qui passe, j’habite mon corps, mon mental et mon cœur. Et chaque jour, chaque nuit qui passe, je cohabite avec l’infinité de sensations, de pensées et d’émotions qui peuplent ces derniers. Malgré mon jeune âge, diront certains, j’ai vécu mon lot de troubles de santé physique et mentale. Comme bien des personnes dans ma situation, ce qui m’a un jour paru comme une malédiction m’apparaît aujourd’hui comme un cadeau.

En effet, à travers la douleur et la souffrance, j’ai développé avec mon corps, mon mental et mon cœur une relation intime que bien des gens ne connaîtront jamais, ou découvriront sur le tard. Après de multiples consultations avec divers médecins généralistes et spécialistes, physiothérapeutes, ostéopathes, acupuncteurs, massothérapeutes, chiropraticiennes, naturopathes, psychologues, professeures de yoga et autres, j’ai pris la décision de devenir la spécialiste de moi-même. Je me suis mise à m’intéresser davantage au fonctionnement de mon corps et de mon mental – c’est d’ailleurs qui m’a poussée à devenir professeure de yoga.

Au fil de mes lectures, de mes formations et de mes expériences, j’ai acquis une connaissance et surtout une écoute de moi-même qui ne cessent de s’approfondir. Plus le temps passe, plus j’arrive à reconnaître mes limites, à les communiquer et à les faire respecter. Le yoga et la méditation ne guérissent pas tout, mais ils m’ont donné des outils pour me découvrir, m’apprivoiser et m’apprécier. Ils m’ont appris à être à la fois douce et rigoureuse envers moi-même, à me considérer avec indulgence mais sans tomber dans la complaisance. À me donner «du lousse» quand j’en ai vraiment besoin, mais à ne jamais me laisser tomber, à ne jamais m’abandonner. Le yoga m’a appris à reconnaître ma valeur intrinsèque en tant qu’humaine, faillible, certes, mais complète et digne d’amour – et d’amour-propre.

Je n’hésite plus à poser des questions aux professionnels de la santé et j’ose me considérer égale à eux. Je reconnais leur expertise, mais j’exige qu’ils reconnaissent l’expérience que j’ai de mon corps, mon mental et mon cœur, que la relation s’établisse sur la base d’un dialogue et non d’un rapport de supériorité. Je fais confiance à mon intelligence, à ma capacité de discernement et à cette écoute de moi-même que j’ai su développer. Face au jugement ou au scepticisme de certaines personnes du milieu de la santé ou de mon entourage, j’assume de plus en plus facilement mes choix de vie et de santé.

C’est ce dernier aspect qui me donne toujours plus de fil à retordre. À maintes reprises, on a remis en doute les décisions et les actions (pourtant soigneusement soupesées !) que j’ai prises pour mon bien-être. Bien qu’il soit crucial de faire preuve de vigilance, de rigueur et de discernement, je crois qu’il est tout aussi important de faire preuve d’ouverture et d’empathie. Loin de moi ici de dénigrer la médecine ou notre système de santé, qui regorge de personnes extraordinairement compétentes et dévouées. Cette chronique se veut plutôt un encouragement à devenir spécialiste de vous-même, à apprendre à vous connaître et à vous écouter, à avoir confiance en vous ; une petite tape dans le dos pour vous inciter à faire et à demander ce qu’il y a de mieux pour vous.

Puisque ce corps, ce mental et ce cœur sont ceux qui nous suivront toute notre vie, aussi bien faire équipe avec eux.

Et surtout, surtout, ne jamais s’abandonner.

Chronique initialement parue dans le 17 juillet 2019 dans le journal Le Courrier du Haut-Richelieu